ISPRIC abrite le masterclass de la semaine culturelle de l’ambassade d’Espagne au Mali
Face aux professeurs Francisco Vidal Castro, spécialiste des études arabes et islamiques, Antonio Llaguno ROJAS, Vice-président de la Fondation Kati, un vaste public.
Pendant environ deux heures d’horloge, ces éminents chercheurs se mirent à ressusciter les heures glorieuses et fabuleuses du Mali d’antan. Avec beaucoup d’exemples précis, ils montrèrent que les relations entre le Mali et l’Espagne plongent leurs racines dans des époques bien reculées.
Silence des cathédrales dans la salle de conférence. L’attention est religieuse. Les projections se succèdent au mur pour afficher des sites historiques. On peut voir des caravaniers sur les routes transsahariennes. Kankou Moussa, le roi des rois, sur un trône tient un sceptre. Couronne dorée au front.
Les deux professeurs ont fait de telle sorte que les présentations soient vivantes. Qu’elles fassent rêver des heures anciennes.
Les civilisations s’enrichissent quand elles se rencontrent. La beauté d’un peuple tient des influences extérieures qu’il reçoit de l’ailleurs, avons-nous retenu des deux universitaires espagnols.
Cela trouve son illustration la plus éloquente dans la communication du Pr. Antonio Llaguno ROJAS. Si la Cité des Askia fascine toujours de par son architecture. Si le charme des mosquées légendaires de Tombouctou et Djenné a traversé les siècles, C’est dû à un style architectural pétri de plusieurs autres styles. En effet, a fait savoir Pr. ROJAS, Al-Sahili, poète et architecte que l’empereur Kankou Moussa fit venir de la Mecque au Sahel en 1324, est à l’origine de la célèbre architecture soudanaise, basée sur l’utilisation de l’argile cuite au soleil, avec des tours pyramidales au symbolisme phallique.
Il a expliqué également que la combinaison de l’art hispano-mauresque, des traces des pyramides des pharaons et de l’animisme de la région, avec son symbolisme sexuel, a donné naissance à une architecture unique en son genre. Et jusqu’à présent, les mosquées et les bâtiments publics de l’Afrique subsaharienne, de l’Atlantique à l’Océan Indien sont façonnés selon ces formes architecturales.
Al-Saheli est de l’Andalousie (Espagne), il va donc de soi qu’une fois installé à Tombouctou, il marie le style hispanique à celui de son nouvel environnement. Pour appuyer cette thèse, le Pr. ROJAS projette l’image de la Sagrada Faamilia de Gaudi, une église espagnole ayant de fortes ressemblances avec les antiques mosquées de Djenné et Tombouctou.
La beauté est tout simplement dans la symbiose des différents éléments civilisationnels.
Quand le Pr. Francisco-Vidal CASTRO prend la parole, c’est pour nous inviter à découvrir l’histoire de deux grands hommes. A savoir, Kankou Moussa et Al-Saheli. L’empereur Kankou Moussa fut un homme extraordinaire. Une célébrité mondiale. Ce richissime roi éblouit tout le Monde arabe, tout l’Occident de par sa grandeur. Beaucoup de rois l’ont précédé. Mais, il fut celui qui porta l’Empire du Mali au firmament de la gloire, explique Pr. CASTRO.
Kankou Moussa n’est point un mythe. Ce n’est pas un personnage issu du folklore ou de la science populaire. Bien au contraire. Plusieurs sources arabes reviennent sur la vie de ce souverain magnanime qui effectua un pèlerinage à la Mecque en 1324, affirme-t-il.
L’historiographie arabe contient beaucoup de faits édifiants à son sujet. Et de manière générale, l’histoire enseigne que la richesse de Kankou Moussa était fabuleuse. Incomparable était sa fortune.
Mais, aux yeux du professeur, l’empereur mandingue se particularise surtout par des valeurs morales et humaines que l’or ou l’argent ne peuvent égaler.
En effet, poursuit-il, Kankou Moussa était très généreux. Il a appris à lire et à écrire l’arabe.
Une langue qu’il parlait d’ailleurs assez bien. Souverain modeste et humble. Fermement attaché à des principes personnels. « Lors de son passage en Egypte, il rendit visite au Sultan. C’était lors de son itinéraire pour le Hadji. Arrivé à la cour du Sultan, les règles protocolaires exigeaient que l’on se prosternât. Mais, Kankou Moussa refusa. Cela correspond à un crime de lèse-majesté. Mais quand on lui demanda les raisons, il expliqua qu’il ne se prosterne que devant Dieu », raconte Pr. Castro.
Son pèlerinage a mis l’empire sur la carte du monde. Il a ouvert le Mali sur le monde extérieur. Pendant son périple qui prit 3 années de marche, il était accompagné d’au moins 8000 personnes dont 500 femmes pour Inari Konté, son épouse.
14 rois étaient sous son autorité dans le vaste empire du Mandé. Il sortit du Mali avec 13 500 kg d’or. Avide de savoir et de progrès, il utilisa sa richesse pour recruter des talents dans la théologie et bien d’autres disciplines qui l’accompagnèrent au Mali. Il voulait que son peuple soit alphabétisé et intellectuellement épanoui, professe Francisco Vidal CASTRO.
Très pieux, Kankou Moussa attira également les Chérifs Qurayshites de la Mecque pour qu’ils s’installent au Mali avec leurs familles. Et afin que ces descendants du Prophète Mohamet répandent la baraka sur le peuple mandingue.
Selon le Professeur CASTRO, ce voyage que les annales de l’histoire ont jalousement préservé est aussi l’histoire d’une rencontre. La rencontre entre la Grandeur qu’incarne Mansa Moussa et le Savoir représenté par Al-Saheli.
En effet, c’est Al-Saheli qui vint à Kankou Moussa. Il lui offrit ses services. Et L’empereur du Mali fut séduit par l’immensité du savoir que possédait le poète et architecte andalou. Le bâtisseur de villes et mosquées suivit le souverain mandingue. Lui resta fidèle. Aussi longtemps qu’il vécut. Il s’installa à Tombouctou et se maria avec des femmes noires.
En somme, les relations entre l’Afrique subsaharienne et l’Espagne sont vieilles de plusieurs siècles. Un autre hispanique ayant fini par vivre au Soudan (Mali) est Ali ben Ziyad de la ville de Tolède en Espagne. Il est l’ancêtre de la famille Kati. Son fils Mohamed Kati (le père de l’historiographie africaine) fut un exemple typique du métissage biologique. Le prototype du mélange de sang africain et européen. L’un de ces descendants est Ismael Diadié HAIDARA, Président de la Fondation Kati.
Face à la presse, Heime Puyols, Chef du service coopération de l’ambassade du Royaume d’Espagne au Mali, magnifie les bonnes relations entre ISPRIC et la représentation diplomatique. « Nous avons d’excellents relations. Raison pour laquelle nous avons organisé cette activité dans les locaux de ISPRIC », fait-il remarquer.
Dr. Mohamde GAKOU salue le caractère sobre et ambitieux de cet événement. Il se dit émerveillé par les communications des deux professeurs. « Nous avons beaucoup appris. Cela nous donne un sentiment de fierté. Comme quoi l’Afrique a joué un grand rôle dans l’histoire », a-t-il ajouté.